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Nicéphore Soglo à propos de la présidentielle en France : « Avec Macron, c’est la rupture définitive avec la FrançAfrique »
Publié le vendredi 5 mai 2017  |  Matin libre
Nicéphore
© Autre presse par DR
Nicéphore Soglo, ancien Chef d’Etat et Maire de Cotonou




Le second tour de la présidentielle française, son enjeu sur l’Afrique et particulièrement le Bénin vu par l’ancien président Nicéphore Soglo. C‘est à cet exercice que s’est livré, au détour d’une interview, l’ancien homme d’Etat et ancien maire de la ville de Cotonou.

Question : Pour vous qui connaissez bien la France, quels sont les enseignements de la victoire de ces deux têtes d’affiches ?

En France l’histoire se répète et en voici les principales séquences : 2002, Lionel Jospin était le candidat du Parti socialiste contre Jacques Chirac le champion de la droite : le Parti gaulliste. Et coup de tonnerre, c’était le Front national de Jean-Marie Le Pen qui se qualifiait pour le second tour. Et cela sonna le glas de la carrière politique de Lionel Jospin. Nous voilà à présent en 2017 : l’extrême droite à fait peau neuve avec Marine Le Pen dont le discours a habilement gommé toutes les aspérités, toute la xénophobie et le racisme outrancier de son père soldat en Indochine et en Algérie contre les nationalistes et pour qui les fours crématoires ne sont qu’un détail de l’histoire ; et après la victoire de Trump et le soutien de Poutine, le Front National caracolait en tête des sondages. Pendant ce temps, François Hollande, le Président socialiste sortant, plombé par les promesses mirobolantes du candidat « le danger c’est la finance !On fera payer les riches ! Et la baisse du chômage est notre boussole » avait depuis longtemps jeté l’éponge. Et voilà que l’un de ses jeunes collaborateurs, pétri d’audace et de talent, sort du bois. Que pouvait-il contre François Fillon le fier donneur de leçon,champion de la droite catholique renvoyé bien vite à ses contradictions par les révélations du Canard Enchaîné, ou Jean-Luc Mélenchon le flamboyant porte drapeau de la « France insoumise », ou Benoît Hamon le généreux représentant du Parti socialiste abandonné par ses troupes. Et c’est ainsi que les deux grands partis qui dirigeaient la France, ont coulé sous nos yeux.

Qui est dont Monsieur Macron?

Pour les colonisés que nous sommes,c’est la première fois, à notre connaissance, qu’un candidat en Europe (continent comptable selon Aimé Césaire du ‘’plus haut tas de cadavres de l’histoire’’)déclare que la colonisation, tout comme l’esclavage, est un crime contre l’humanité. C’est une véritable catharsis. Mais quel tollé ou désapprobation muette de la part des tenants des deux grands partis. De GAULLE est, en France, depuis la seconde guerre mondiale un héros et l’incarnation de la Résistance. Il voue à sa patrie un amour passionné. Mais il lui est difficile d’admettre que les habitants des pays sous domination française puissent aimer, eux-aussi, leur pays d’un amour similaire au sien. Et il n’est pas le seul hélas. En 1941, le Président américain Franklin D. ROOSEVELT, pour répondre à l’appel au secours du premier ministre anglais Winston CHURCHILL et mettre de son côté le peuple américain, proclama solennellement, dans l’article 3 de la fameuse Charte de Atlantique, « Le droit de tous les peuples de choisir la forme de gouvernement sous laquelle ils veulent vivre ». Il sonnait ainsi le glas, à la grande colère de CHURCHILL, de l’empire de la reine Victoria sur lequel le soleil ne se couchait jamais. Et voilà que le 30 janvier 1944,De GAULLE, avec aplomb et sans rire déclarait que « Les fins de l’œuvre de civilisation accomplis par la France dans les colonies (sic) écartent toute idée d’autonomie, toute possibilité d’évolution hors du bloc français de l’Empire, la constitution même lointaine de self-governements est à écarter » (voir Antoine GLASER, Stephen SMITH Comment la France a perdu l’Afrique, Ed. Calmann-Levy p. 38).Il oubliait comme par hasard qu’il avait dû fuir son pays, envahi et colonisé par les troupes d’Adolph HITLER, et se réfugier en Angleterre pour lancer son fameux appel du 18 juin.Les Français avaient été traumatisés par les six semaines qui ont consommé leur défaite lors de la débâcle de mai-juin 1940.Car personne n’avait imaginé que les armées allemandes pouvaient atteindre les Pyrénées en six semaines, broyant tout sur leur passage. La commotion en fut d’autant plus grande, note le grand historien américain Robert O. PAXTON.La guerre-éclair avait permis à l’armée allemande de capturer un million six cents mille prisonniers de guerre français avant que ne débute le service du travail obligatoire (STO), l’autre nom de l’esclavage, et la déportation des juifs et des résistants vers les sinistres camps de concentration.Le gouvernement de Vichy dût payer vingt millions de marks par jour au titre des frais d’occupation, c’est-à-dire, quatre cent millions de francs au taux de change exorbitant de 21%.Le Reich fit main basse sur les ressources françaises et prit des mesures pour exploiter l’Alsace-Lorraine et encourager le séparatisme breton et flamand.

Or il est évident que « de la colonisation à la civilisation la distance est infinie » comme nous l’enseigne Aimé CESAIRE, le père de la négritude. Et ceux qui font l’apologie du colonialisme et vitupèrent Adolph HITLER le font donc, selon le grand écrivain, par manque de logique ; et qu’au fond ce qu’ils ne pardonnent pas à HITLER, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi ; c’est le crime contre l’homme blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici, que les arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique.

Quel est l’enjeu de ce second tour pour les africains, plus précisément pour les béninois ?

C’est l’affaire de la France et de l’Europe. Mais parlons d’abord de la seconde singularité de Macron : il a moins de quarante ans. Et je veux qu’on enlève au plus vite, de la constitution béninoise, cette aberration qu’est la question de l’âge. Cela n’existe dans aucune constitution au monde. Cette décision a été prise en mon absence du territoire national. J’étais en Amérique, l’hôte du Président BUSH père. On aurait dû logiquement m’attendre et me consulter. Macron, pour en revenir à lui,a donc moins de quarante ans et mène la course en tête pour être Président de la République Française. A notre époque, c’était Nelson Mandela, une icône mondiale
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