Le 4 mai 2017, la Cour constitutionnelle a donné une suite au recours formé contre les responsables de la Police, de la Gendarmerie et le préfet du département du Zou pour violation des articles 2 alinéa 1er, 17, 18, 19, 23 et 25 de la Constitution par les responsables de la très sainte église de Jésus-Christ de la mission de Banamè. Par décision Dcc 17-093 du 4 mai, la Haute juridiction a déclaré que les articles 17, 23 et 25 n’ont pas été violés par la Gendarmerie ni la Police. Aussi, a-t-elle accusé les agents des forces de l’ordre qui ont procédé à l’interpellation des 26 fidèles de la très sainte église. Ci-dessous, l’intégralité de la décision.
Décision Dcc 17-093 du 04 mai 2017
La Cour constitutionnelle,
Saisie d’une requête du 26 janvier 2017 enregistrée à son secrétariat le 30 janvier 2017 sous le numéro 0155/015/Rec, par laquelle Messieurs Roland A. J. Viatonou et Togla Joachim Assogba, représentant « La Très sainte Eglise de Jésus-Christ de la Mission de Banamè », forment un recours contre les responsables de la Police et de la Gendarmerie et le préfet du département du Zou pour violation des articles 2 alinéa 1er, 17, 18, 19, 23 et 25 de la Constitution ;
Vu la Constitution du 11 décembre 1990 ;
Vu la loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001 ;
Vu le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle ;
Ensemble les pièces du dossier ;
Ouï Madame Marcelline-C. Gbèha Afouda en son rapport ;
Après en avoir délibéré,
Contenu du recours
Considérant que les requérants exposent : « … Dans le cadre de la célébration de la traditionnelle nuit de la renaissance de l’humanité du 07 au 08 janvier 2017 de 19 h à 08 h, les autorités du stade d’Abomey, de la commune d’Abomey ainsi que du commissariat central d’Abomey et de la compagnie de Gendarmerie ont été mises à contribution et les formalités afférentes, remplies … Déjà le vendredi 06 janvier courant, des menaces ont été proférées par un nommé Agbolinsoussi Célestin connu de tous à Abomey sous le sobriquet ‘’Sésé‘’ et une plainte avait été régulièrement déposée au commissariat de Police d’Abomey (RP 039/17 du 06/01/2017) … Des informations selon lesquelles des individus s’activaient sur l’axe Abomey- Bohicon pour molester les fidèles de la ‘’ Très sainte Eglise de Jésus Christ‘’ de retour de la nuit de prière nous ont été rapportées par les forces de l’ordre en charge de notre sécurité, notamment le commandant de la compagnie de Gendarmerie d’Abomey, dans la nuit du 07 et réitérées avec insistance le matin du 08 janvier … Aucune disposition sécuritaire particulière n’a été prise ni par la Police ni par la Gendarmerie pour garantir le retour paisible des fidèles de la ‘’ Très sainte Eglise de Jésus Christ’’ qui sont tous aussi des citoyens béninois … Les fidèles de la ‘’Très sainte Eglise de Jésus Christ’’ ont été attaqués sans défense par une foule de manifestants en furie avec des gourdins, machettes, pierres et autres armes blanches contondantes, en présence des forces de sécurité et de défense (la Police et la Gendarmerie), spectatrices joyeuses des atteintes sanglantes à l’intégrité physique des fidèles … Ces assaillants ont saccagé leurs biens, brûlé leurs véhicules … Dès la nuit de ce dimanche sanglant, les manifestants, heureux de leurs forfaits gratuits, ont décidé d’aller incendier les édifices religieux et autres lieux de culte de la ‘’ Très sainte Eglise de Jésus Christ’’ ainsi que les maisons des fidèles de ladite église à Abomey et ses environs … Tirant leçon des affres du dimanche matin à Djimè et dans le souci de sécuriser leurs frères en détresse et leurs maisons et préserver les édifices religieux menacés de vandalisme et d’incendie, une vingtaine d’agents de maintien d’ordre qui, entre autres, gardent habituellement les lieux de culte des Daagbovis, ont été interpellés dans l’après-midi du lundi 09 janvier par un contingent mixte Gendarmerie-Police à la hauteur du poste de contrôle de Sodohomey … Ils ont été bastonnés à leur descente du véhicule, sans qu’aucune notification sur un quelconque délit ne leur ait été faite, ni leurs droits à eux cités … Les certificats médicaux ci-joints prouvent fort bien les sévices et autres maltraitances auxquels ils ont été soumis … Ils ont été déshabillés, menottés comme des délinquants, en présence et avec la bénédiction du préfet du département du Zou et des responsables de la Police et de la Gendarmerie, ont été présentés à la presse comme de vils malfrats émissaires du Dieu de Banamè, soi-disant en mission pour aller surprendre cette nuit-là les populations d’Abomey et y perturber la fête de vodoun … Dans ses explications, le commandant de la compagnie de Gendarmerie d’Abomey affirme que dans le cadre de la fête de vodoun dont les manifestations officielles ont été prévues cette année à Covè, la Police et la Gendarmerie ont changé de stratégie, ce qui les a conduits à mettre la main sur les fidèles armés de la Mission de Banamè. » ;
Considérant qu’ils font observer : « …Pendant leur garde à vue, les fidèles de la ‘’ Très sainte Eglise de Jésus Christ’’ ont été menottés par derrière et photographiés par des gendarmes et leurs images publiées sur les réseaux sociaux ont fait le tour du monde, nonobstant le droit à l’image prescrit par le code de procédure pénale … Ils ont été frappés avec des machettes par des gendarmes et policiers depuis le poste de contrôle de Sodohomey jusqu’à la brigade des recherches de Sodohomey, sous la supervision active du commandant de la compagnie de Gendarmerie d’Abomey, le chef de la brigade des recherches et son adjoint et l’adjoint au chef de la brigade territoriale de Gendarmerie de Sodohomey et leurs agents de même que des policiers … Ces autorités en charge de la sécurité sont pourtant censées connaître les dispositions de la présomption d’innocence … Leur attitude constitue une violation flagrante de l’article 17 de la Constitution qui dispose en son alinéa 1er que ‘’Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public durant lequel toutes les garanties nécessaires à sa libre défense lui auront été assurées’’ et de l’article 18 alinéa 1er de la loi sus-citée qui dispose : ‘’ Nul ne sera soumis à la torture, ni à des sévices ou traitements cruels, inhumains ou dégradants’’ … Des montages grossiers ont été servis aux populations par le préfet du département du Zou, en tandem avec le directeur départemental de la Police du Zou et le commandant de la compagnie de Gendarmerie du Zou, dans le but de camoufler les insuffisances et autres fautes graves d’ordre professionnel via la chaîne de télévision Golfe TV, en violation de l’article 17 de la Constitution … Aux termes des dispositions de l’article 2 alinéa 1er de la Constitution : ‘’La République du Bénin est une et indivisible, laïque et démocratique’’. L’article 23 de la Constitution dispose : ‘’Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion et d’expression dans le respect de l’ordre public établi par les lois et les règlements. L’exercice du culte et l’expression des croyances s’effectuent dans le respect de la laïcité de l’Etat’’ » ; qu’ils affirment : « …Par ailleurs, courant janvier-février 2014, la ‘’ Très sainte Eglise de Jésus Christ’’ vous avait envoyé, à votre haute juridiction, une requête dans laquelle elle exposait, entre autres, les traitements inhumains et dégradants auxquels les fidèles de l’église ont été soumis de la part des autorités politico-administratives et des forces de sécurité et de défense à Goho à l’occasion de leur traditionnelle fête de la renaissance. Dans cette requête de janvier-février 2014, votre haute juridiction peut relever, entre autres extraits, ‘’que dans le cadre de la célébration de la traditionnelle nuit de la renaissance de l’humanité du 09 au 10 janvier 2014 de 19 h à 08 h, les autorités du stade, de la commune d’Abomey ainsi que du commissariat central d’Abomey ont été mises à contribution ; que le préfet Armand Nouatin, en dépit de toutes ces autorisations, fit envoyer des détachements de la Police et de la Gendarmerie armés de boucliers anti-émeute, pour bloquer l’accès du stade de Goho aux milliers de fidèles qui étaient encore à l’extérieur et interdire la sortie à ceux qui étaient à l’intérieur ; que malgré les assurances que le commissaire central d’Abomey et le commandant de la compagnie de Gendarmerie d’Abomey lui ont données relativement à l’inexistence du risque de trouble à l’ordre public, le préfet des départements du Zou et des Collines n’a pas voulu entendre raison ; que, bien qu’aucun fidèle ne soit armé, le préfet Armand Nouatin, par le biais des détachements de forces de l’ordre, a fait séquestrer à l’intérieur du stade de Goho des enfants de quatre (04) à huit (08) ans dont les mères étaient entretemps sorties du stade pour assurer leur dîner ; que, le pire a pu heureusement être évité, mais pour encore combien de temps?’’ ;
Considérant qu’ils poursuivent : « …En tout état de cause, les déclarations du préfet du département du Zou, des responsables de la Police et de la Gendarmerie d’Abomey ainsi que les agissements personnels du commandant de la compagnie de Gendarmerie d’Abomey (le capitaine Maurice Woli), du chef de la brigade des recherches de Sodohomey (le lieutenant Gado) et son adjoint (l’adjudant Vignikin qui, entre autres, a giflé l’un de nos prêtres), de l’adjoint au chef de la brigade territoriale de Gendarmerie de Sodohomey (le sieur Kpadonou Judicaël) et leurs agents, de même que les responsables de la Police de Bohicon et d’Abomey et leurs agents, ont créé de sérieux dommages à la ‘’Très sainte Eglise de Jésus-Christ de Banamè’’ … » ; qu’ils concluent : « …Ces déclarations et attitudes de ces diverses autorités administratives et en charge de la sécurité violent indubitablement les articles 17, 18 et 25 de la Constitution, laquelle dispose en son article 25 : « L’Etat reconnaît et garantit, dans les conditions fixées par la loi, la liberté d’aller et venir, la liberté d’association, de réunion, de cortège et de manifestation » … Par cette violation flagrante, elles tombent sous le coup de l’article 19 de la Constitution qui dispose: ‘’Tout individu, tout agent de l’Etat qui se rendrait coupable d’acte de torture, de sévices ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans l’exercice de ses fonctions, soit de sa propre initiative, soit sur instruction, sera puni conformément à la loi. Tout individu, tout agent de l’Etat est délié du devoir d’obéissance lorsque l’ordre reçu constitue une atteinte grave et manifeste au respect des droits de l’Homme et des libertés publiques.’’ … En conséquence, il échet de voir déclarer contraires à la Constitution les déclarations du préfet du département du Zou, du directeur départemental de la Police du Zou, du commissaire central d’Abomey, ainsi que les agissements du commandant de la compagnie de Gendarmerie d’Abomey (le capitaine Maurice Woli), du chef de la brigade des recherches de Sodohomey (le lieutenant Gado) et son adjoint (l’adjudant Vignikin), de l’adjoint au chef de la brigade territoriale de gendarmerie de Sodohomey (sieur Kpadonou Judicaël) et leurs agents, de même que les commissaires centraux de Bohicon et d’Abomey et leurs agents. » ;
Considérant que les requérants produisent à l’appui de leur requête, entre autres pièces : – un procès-verbal de constat dressé le 18 janvier 2017 par Maître Constant M. Honvo, huissier de justice près la cour d’Appel d’Abomey et le tribunal de première Instance de deuxième classe d’Abomey, relatif aux dégâts matériels commis sur des véhicules et des motocyclettes, – vingt-huit (28) certificats médicaux initiaux délivrés par le docteur Françoise Adandedjan, médecin spécialiste en santé et sécurité au travail, en service à Bohicon, qui déclare avoir « examiné un collectif de personnes violentées dans un ensemble » ;
Instruction du recours
Considérant qu’en réponse à la mesure d’instruction de la Cour, le capitaine commandant l’escadron de Gendarmerie mobile, Maurice Woli, écrit : « … Abstraction faite de ma modeste expérience en matière de sécurité publique, ce n’est pas la première fois que je sécurise une cérémonie pareille ou spécifiquement celle de la ‘’Très sainte Eglise de Jésus-Christ de la Mission de Banamè’’ en tant que commandant de compagnie. Déjà les 17, 18 et 19 novembre 2016 à Sovidji dans l’arrondissement de Banamè, commune de Zagnanado, lors du 8ème nniversaire de la venue de ‘’l’esprit saint’’ sur ‘’dame Parfaite’’, coïncidant avec l’anniversaire de l’élection du père Vigan comme ‘’saint père’’, de grandes manifestations y ont eu lieu, drainant des milliers de personnes avec une impressionnante veillée le 17 novembre 2016.
Les 23, 24 et 25 décembre 2016, elle a célébré aussi la fête de Noël dans le village Wokou, arrondissement de Dan, Commune de Djidja, où des prêtres ont été ordonnés. Cette cérémonie a drainé également des milliers de participants. Mais, qu’en est-il de leur manifestation des 7 et 8 janvier 2017 ?
Sollicité par le préfet du département du Zou pour sécuriser cette manifestation, j’ai pris directement contact avec le ‘’cardinal le nommé Agbassi’’, leur interlocuteur en matière de sécurité.
J’ai mis ce dernier en contact avec le Commandant de la Brigade (Cb) de Gendarmerie d’Abomey territorialement compétente, qui, en accord avec le Commissaire central (Cc) de cette ville, avait sous mon regard pris toutes les dispositions utiles pour la réussite de l’évènement.
Mon deuxième adjoint et moi étions constamment présents sur les lieux, en dehors du dispositif impressionnant en matériels et en moyens déployés.
II est à noter qu’au soir du premier jour des manifestations, les fidèles de cette église, lors d’une retraite au flambeau sur une quinzaine de kilomètres ayant démarré du carrefour ‘’Zakpo’’ dans la commune de Bohicon traversant la ville d’Abomey jusqu’au marché ‘’Houndjroto’’…, scandaient des slogans diffamant la mémoire des grands rois d’Abomey et les pratiques ancestrales ayant encore cours dans cette ville.
Aussi, lors de cette caravane, de petits incidents (casses de pare-brise de véhicules, des bagarres…) dus aux comportements peu recommandés des ‘’Daagbo-vi’’ ont-ils été recensés, prévenus, déjoués et gérés par les forces de 1’ordre. Depuis ce temps, des renseignements dignes de foi sont parvenus au commandant de la compagnie selon lesquels les manifestations seront troublées au cas où ‘’dame Parfaite’’ prononcerait des paroles injurieuses envers les dignitaires d’Abomey. Je me suis aussitôt dans cette nuit, vers 23 heures, rapproché du ‘’cardinal Agbassi’’, chargé de la sécurité de ladite congrégation et proche collaborateur de ‘’Daagbo’’, aux fins de cadrer au mieux le prêche de cette dame. Mais, à ma grande surprise, j’ai reçu comme réponse ‘’qu’il n’est pas possible de cadrer ou d’orienter ‘’dieu (Daagbo)’’ dans ses pensées ou propos’’. Néanmoins, de concert avec le directeur départemental de la Police, des mesures idoines ont été prises pour contenir les diverses velléités. » ;
Considérant qu’il ajoute : « Au petit matin du dimanche 08 janvier 2017, des renseignements recueillis prévenaient sur l’attaque du cortège de ‘’Daagbo’’. Pour ce faire, je me suis rapproché en personne à nouveau du même ‘’cardinal’’, cette fois-ci en compagnie du commandant du corps urbain de la Police d’Abomey (Kora Gado), pour lui porter la nouvelle et proposer un changement d’itinéraire, ne serait-ce que pour sortir de la ville d’Abomey, en vue de déjouer d’éventuelles attaques planifiées. Mais, contre toute attente, cette autorité religieuse a humilié ses interlocuteurs devant ses fidèles en les traitant de partisans. Il a ajouté que depuis deux ans, ils n’ont jamais été assistés par les forces de l’ordre et que pourtant leurs manifestations ont toujours connu des succès en matière de sécurité. Comme si cela ne lui suffisait pas, il annonce au microphone au public l’information que je suis venu lui porter en toute discrétion, en invitant toute cette marée humaine à la riposte la plus vigoureuse, à la moindre provocation. C’est à ce stade que j’ai dit sur un ton ferme au ‘’cardinal Agbassi’’ : la sécurité s’impose quelquefois, même au politique. Et à notre interlocuteur de me répondre qu’il a rang de président de la République et que dame Parfaite est dieu au-dessus de tous.
Malgré l’humiliation subie, l’abstention de cette autorité religieuse à suivre les consignes sécuritaires et sa témérité envers les forces de l’ordre, le cortège de dame Parfaite a été professionnellement escorté par un impressionnant dispositif sécuritaire dirigé par moi-même jusqu’à son domicile à Bohicon. J’ai donc laissé mon deuxième adjoint, le chef de la brigade et le commissaire central d’Abomey gérer le départ des autres fidèles du stade de Goho.
Mais, de mon retour de chez Daagbo de Bohicon, le chef de la brigade me notifia téléphoniquement la situation qui prévalait à Abomey.
En effet, certains fidèles téméraires, suivant les instructions de leur cardinal, ont voulu défier la population par des actes provocateurs à la hauteur de Djimè, non loin du palais du roi Béhanzin. Ainsi, les premiers riverains de Djimè qui ont répondu aux provocations ont été envahis par une horde des ‘’Daagbo-vi’’ qui ont pénétré dans des maisons qu’ils ont saccagées. Ils ont aussi détruit les fétiches en blessant les occupants avant de poursuivre leur trajet. Cette nouvelle situation a révolté toute la population de Djimè et environs qui s’est organisée pour bloquer la circulation en plusieurs endroits.
Une équipe mixte des forces de sécurité arrivée promptement sur les lieux a pu s’interposer, créant ainsi une bonne distance entre les deux camps. A ma descente, j’ai infiltré la foule en tenue civile jusqu’à atteindre les premiers convois des fidèles de Banamè qui étaient à la hauteur du Collège d’Enseignement général (Ceg) de Goho, leur proposant de rebrousser chemin, pour aller emprunter des contournements menant à Bohicon. Mais, ces fidèles ont estimé qu’ils étaient dans leur droit de circuler et qu’ils ne devraient emprunter nul autre chemin que celui de Djimè qui était déjà inondé de foules.
Aussi, faut-il souligner que mes négociations avec les sages de Djimè ont permis de calmer les leurs, mais les jets de pierres de certains ‘’Daagbo-vi’’ très surexcités ont ravivé les ardeurs de la population d’Abomey qui voulait en découdre avec les croyants de Banamè.
Dans cette situation caractérisée par le rassemblement d’une marée humaine sur près de six (06) kilomètres, la foule était devenue excitée, le préfet a été pour un long moment téléphoniquement injoignable. Le commandant du groupement centre de Gendarmerie, qui a pu infiltrer la foule pour se joindre à moi et qui a appelé les pompiers pour éteindre le feu d’un véhicule, a dû leur demander de rebrousser chemin sur Bohicon. » ; qu’il fait remarquer : « Tout le monde a vécu les révolutions arabes à l’intérieur de puissances militaires, comme la Tunisie et l’Egypte qui, malgré leur arsenal, n’ont pu opter que pour une gestion pacifique pour préserver l’humain.
N’eussent été mon management et mon professionnalisme, on serait en train de déplorer des dizaines de morts. Mais, Dieu aidant, aucun mort n’a été déploré.
Ma faute a certainement consisté à ne pas user d’un don d’ubiquité ou d’une magie pour amener chaque ‘’Daagbo-vi’’ de son domicile au stade de Goho et l’y retourner comme je l’ai fait pour la délégation officielle de cette église. Même quand la délégation ou le renfort de Cotonou conduit par l’inspecteur général de Police Hounnoukpè Nazaire était arrivé à Abomey, il y avait déjà eu accalmie. II n’y avait sur les lieux et alentours que des curieux. » ;
Considérant qu’il poursuit : « Quant à l’interpellation des ‘’Daagbo-vi’’ avec armes à Bohicon, vous me permettrez également d’être explicite afin d’éclairer suffisamment votre auguste Cour.
En effet, suite aux échauffourées enregistrées à la fin des manifestations de l’église de Banamè à Goho (Abomey), des informations signalaient déjà la vengeance des fidèles de cette église qui devraient quitter Banamè bien armés pour perturber, entre autres, la fête de Vodoun à Abomey et environs.
Depuis la Commune de Covè où j’étais en reconnaissance du terrain en prélude aux manifestations officielles de la fête nationale de Vodoun, j’ai reçu l’appel du préfet du Zou me réitérant les mêmes informations au même titre que d’autres sources comme la Direction du Service de Liaisons et de la Documentation (Dsld). Dès lors, après en avoir rendu compte à la hiérarchie, j’ai organisé des fouilles systématiques de véhicules respectivement à Touégon (Covè), à Sonafel (Zakpota), au carrefour Sodohomey (Bohicon), puis sur le contournement de la ville d’Abomey.
C’est ainsi que vers 20 heures, le sous-officier commandant la brigade territoriale de Bohicon me rendit compte de l’interpellation du véhicule bâché immatriculé AR 7943 RB allant en direction d’Abomey et transportant vingt-six (26) jeunes hommes. Il me précisa que la fouille sommaire de ce véhicule a permis aussi de découvrir :
– huit (08) fusils de fabrication artisanale ;
– un (01) pistolet artisanal ;
– quinze (15) cartouches calibre 12 ;
– vingt-deux (22) coupe-coupe et machettes bien aiguisés ;
– six (06) matraques dont trois (03) cloutées ;
– trois (03) barres de fer ;
– deux (02) ceinturons militaires US ;
– vingt-quatre (24) banderoles couleur rouge griffées ‘’Goji Blanou Daagbo Agbon’’ et ‘’ Goji Blanou Daagbo Ton’’ ;
– un (01) couteau et une lame hache ;
– deux lampes torches.
De cette opération, je rendis compte au commandant de groupement en informant immédiatement le procureur de la République près le tribunal de première Instance d’Abomey, puis le préfet du département du Zou et pris le chemin retour vers Bohicon.
Mais, une fois au carrefour Sodohomey de Bohicon … j’ai vu sur place, entre autres, le Cc et le Directeur départemental de la Police (Ddpn) du Zou et le véhicule … les occupants suspects étaient déjà à la Brigade.
Je me rendis donc avec ces autorités dans cette unité où le préfet et le procureur nous ont rejoints plus tard.
Ainsi, les personnes interpellées ont été séparées des armes et munitions et placées en lieu sûr avant mon entrée dans la Brigade où j’ai interdit toute prise de photo aux gendarmes et policiers présents … Je ne saurais donc dire ou savoir à quel moment de cette procédure j’ai eu le temps de prendre contact avec ces suspects, de leur interpellation à la garde-à-vue, aux fins de les maltraiter.
Par ailleurs, au regard de son importance, le dossier a été confié à la section des recherches d’Abomey sise à Bohicon et j’ai donné des instructions fermes à son chef pour une procédure sans faille, en suivant les instructions du procureur.
Quant aux journalistes ayant accompagné la délégation du préfet ou retrouvés sur place, ils n’ont présenté que 1’aspect sécuritaire de la chose.
D’ailleurs, une interdiction formelle a été donnée aux ‘’cameramen’’ de prendre les images des victimes, surtout de face.
Par contre, l’armement précité des vingt-six (26) occupants a été filmé. Et c’est respectant d’ailleurs la présomption d’innocence que dans l’interview avec le Ddpn, j’ai parlé et précisé qu’il s’agissait de personnes suspectées malfrats, car retrouvées en possession d’armes et munitions, sans aucune autorisation et circulant à un moment et vers un endroit pour l’instant sensible.
Considérant les images qui circulent sur les réseaux sociaux, la Cour partagera avec moi au regard de tout ce qui précède :
– que c’est bien à un moment donné des événements que j’ai quitté Covè pour venir à Bohicon,
– que je ne saurais donc apprécier tout le personnel militaire et civil présent sur les lieux de l’interpellation passant par leur conduite à la brigade territoriale jusqu’à mon arrivée.
Par ailleurs, ce n’est certainement pas la première fois que nous traitons un dossier sensible comme celui du genre pour tomber dans cette bassesse qui consisterait à violer la présomption d’innocence ou infliger des traitements inhumains ou dégradants à un concitoyen » ;
Considérant que le commandant adjoint de la brigade des recherches de Bohicon, l’adjudant Eloi Vignikin, pour sa part, écrit: « Le lundi 09 janvier 2017 aux environs de 21 heures, alors que mon commandant de brigade était sorti, je m’évertuais sur la correction d’un procès-verbal quand j’ai reçu son coup de fil où il me demandait ma position. Je lui ai signifié que je suis encore au bureau, alors il m’invita à le rejoindre dans la cour de la brigade. Descendu, je constatai une foule immense et à ma question de comprendre, il m’a été rapporté que sur renseignements, une équipe mixte de la Police et des éléments de la brigade territoriale de Bohicon venait d’appréhender un groupe d’individus en partance sur Abomey et ceux-ci se révèlent être des fidèles de Banamè. Etaient présents sur les lieux, une équipe de la Police et des gendarmes, le procureur de la République, le préfet, le commandant de compagnie, le directeur départemental de la Police nationale, le commandant du groupement régional centre d’Abomey, le commandant de la brigade territoriale, le commissaire central de Bohicon et d’autres personnalités. Ensemble avec le procureur de la République qui a invité le commandant de la brigade des recherches, nous nous sommes rapprochés du véhicule bâché immatriculé AR 7943 RB pour constater la présence effective des armes saisies. Ainsi, les acteurs de l’arrestation de ces suspects ont été dessaisis et le procureur de la République d’Abomey a instruit le commandant de la brigade des recherches d’Abomey de se saisir du dossier pour lui présenter les susnommés dans un bref délai. C’est alors qu’après l’intervention de la presse, les 26 suspects gardés déjà dans la cellule de la brigade territoriale de Bohicon ont été confiés à la brigade des recherches d’Abomey sise à Bohicon pour la procédure qui s’impose.
Par le message porté n°007/2-MTP-BR-AB du 09 janvier 2017, un compte rendu est fait à la hiérarchie. Les droits des susnommés ont été notifiés, puis les auditions ont démarré avec le concours du personnel de la brigade des recherches et une équipe constituée des officiers de police judiciaire tels l’adjudant Vignikin, le commandant de brigade adjoint des recherches, les maréchaux des logis-chefs Koto N’Goye, commandant de brigade adjoint Setto, Padonou Judicaël, commandant de brigade adjoint de la brigade territoriale de Bohicon et Boko Gali, commandant de brigade adjoint de Zogbodomey. Démarrées à 22 heures environ, les auditions ont pris fin vers 05 heures, avant de se poursuivre avec le cardinal Agbassi dans une ambiance conviviale en présence de l’avocat Oussou Brice. » ; qu’il poursuit : « Des observations sur les allégations me concernant :
l- la brigade des recherches de Bohicon n’a … pris part ni aux opérations d’arrestation des vingt-six (26) citoyens ni aux premières mesures prises à leur encontre ;
2- à mon arrivée, j’ai découvert la présence de journalistes locaux munis de leur dispositif de prise d’images ;
3- au cours de leur séjour en garde à vue, les personnes appréhendées n’ont pas été en contact des objets de sûreté tels que les menottes ;
4- en raison des secrets de l’enquête, aucune prise de vue n’a été permise dès la prise en compte desdites personnes, objet de garde à vue ;
5- je ne reconnais pas avoir violenté ou agressé physiquement un prêtre de Banamè.
Au total, notre intervention dans cette affaire se limite aux actes procéduraux d’enquête de police judiciaire, à savoir : la prise d’audition, le strict respect des conditions légales de garde à vue, la rédaction des divers rapports.
Par ailleurs, l’adjudant Vignikin soupçonné pour gifle de l’un des prêtres de Banamè intrigue : un réel homme de Dieu devrait relater les faits en l’état. » ; qu’il explique : « Le mercredi 11 janvier 2017, l’adjudant Azannaï de la Dsld a été battu à mort par les fidèles de Banamè sous la direction du sieur Hounwedo Victorin Zinsou, à un carrefour de Bohicon et sa moto, son portable et ses lunettes ont été confisqués. Le leader, qui en retour a subi les affres de la population accourue sur les lieux, a été conduit dans les locaux de la brigade territoriale de Bohicon. Sur instructions du commandant de compagnie intérimaire, le lieutenant Gado a envoyé son adjoint seconder le maréchal des logis-chef Amadou de la brigade territoriale de Bohicon pour la prise de l’audition du susnommé pour un compte rendu à l’endroit de la hiérarchie et pour l’établissement du procès-verbal. A peine démarrée, un monsieur de corpulence robuste fait irruption dans la salle de la police judiciaire et ordonne à l’élément de se lever pour qu’il prenne sa photo (en violation du secret de l’enquête). Je me suis opposé quand il me dit qu’il n’est pas venu à la brigade des recherches. Après avoir passé tout son temps à vociférer et à nous outrager dans l’exercice de notre fonction, et ceci dans l’enceinte de la brigade, il s’est retiré sur le thème ‘’on va voir’’. Quelques instants après, il revient au galop accompagné de l’adjudant Houndonougbo Modeste, commandant de la brigade territoriale, et fait la dénonciation calomnieuse de gifle dont il aurait été victime de ma part » ;
Considérant que le lieutenant Nouhoun Gado Boukary, commandant de la brigade des recherches de Bohicon, affirme en ce qui le concerne : « Le lundi neuf janvier deux mil dix-sept aux environs de vingt-deux heures, une équipe constituée de gendarmes et de policiers placée sous la codirection du directeur départemental de la Police du Zou et du commandant de compagnie d’Abomey a conduit au siège de la brigade des recherches de Bohicon vingt-six (26) citoyens. Par voie téléphonique, j’ai été contacté par le commandant adjoint de ladite compagnie qui m’a instruit de les rejoindre dans la cour de la brigade territoriale de Bohicon qui jouxte les locaux de mon unité. Je me suis rendu audit lieu où j’ai constaté, en plus de l’équipe sus-citée, la présence du préfet du département du Zou. Les chefs militaires et politico-administratifs susmentionnés m’ont présenté un véhicule automobile de marque Peugeot 504 bâché immatriculé AR 7943 RB, un arsenal composé de fusils de fabrication artisanale de calibre 12 mm, de machettes, de bâtons jonchés de clous et de ceintures de couleur rouge. Nous en étions là quand le procureur de la République s’est transporté au siège de la brigade territoriale de Bohicon. Après avoir visité les personnes précédemment interpellées et placées en garde à vue dans les chambres de sûreté de la brigade territoriale de Bohicon, d’une part, constaté les objets qu’ils auraient détenus par devers eux au moment de leur arrestation et le moyen de déplacement qu’ils auraient emprunté, d’autre part, ledit magistrat m’a confié la direction de l’enquête. Pour conduire la procédure dans les délais impartis par le directeur de la police judiciaire, je me suis fait assister d’une équipe d’enquêteurs. » ; qu’il ajoute : « Des observations sur les allégations me concernant :
1- la brigade des recherches de Bohicon n’a pas pris part aux opérations d’arrestation des vingt-six (26) citoyens, ni aux premières mesures prises à leur encontre ;
2- à mon arrivée, j’ai découvert la présence de journalistes locaux munis de leur dispositif de prise d’images ;
3- au moment de la conduite des personnes interpellées dans le hall et les chambres de sûreté de mon unité, aucune d’entre elles n’était porteuse d’entraves ;
4- de même, au cours de leur séjour en garde à vue, les personnes appréhendées n’ont pas été en contact des objets de sûreté tels que les menottes ;
5- en raison des secrets de l’enquête, aucune prise de vue n’a été permise dès la prise en compte desdites personnes, objet de garde à vue ;
6- j’ai pris toutes les mesures pratiques idoines afin d’éviter à ces personnes toute forme de violence physique, psychologique, etc., en renforçant le service de planton d’officiers de police judiciaire pour y veiller exceptionnellement en complément de mes inspections régulières ;
7- la médiatisation de l’événement était placée sous la responsabilité de l’autorité compétente et non sous la direction du commandant de brigade des recherches.
Au total, mon intervention dans cette affaire se limite aux actes procéduraux d’enquête de police judiciaire, à savoir, la prise d’audition, le strict respect des conditions légales de garde à vue, la coordination de l’enquête, la rédaction des divers rapports» ;
Considérant qu’enfin, le préfet du département du Zou, Monsieur Firmin A. Kouton, déclare : « …A la suite des évènements douloureux survenus à Djimè (Abomey) au cours de la journée du dimanche 08 janvier 2017, mon commandant de la compagnie de Gendarmerie m’a informé de ce qu’un groupe d’individus armés de fusils et de gourdins se dirigeait, dans la soirée du lundi 09 janvier 2017, vers Abomey dans le but de se venger contre les populations avec lesquelles les évènements ci-dessus évoqués ont eu lieu et que les intéressés, en provenance de Covè, sont suivis jusqu’à leur interpellation à la hauteur de la localité de Sodohomey à l’entrée de la ville de Bohicon.
A la suite de cette information, je me suis déplacé avec les commandants en charge de la sécurité dans le département pour constater les informations que nous venions d’avoir.
C’est ainsi que nous avons vu plus d’une vingtaine de personnes avec des fusils et gourdins dans les locaux de la brigade territoriale de Bohicon déjà menottées et qui, dans leurs déclarations, ont dit qu’elles sont commises par les dignitaires de la ‘’Très sainte Eglise de Jésus-Christ de la Mission de Banamè’’ pour assurer la sécurité des lieux de culte situés à Bohicon et environs.
Entre temps, le commandant de la brigade de Bohicon, en sa qualité d’officier de police judiciaire, a informé le procureur de la République près le tribunal d’Abomey de cette situation … qui a d’ailleurs, comme moi, effectué le déplacement sur les lieux pour le constat. C’est alors que je me suis retiré de la brigade pour laisser la procédure judiciaire suivre son cours.
Il convient …de rappeler à l’attention … de la haute juridiction que toute la presse dans la commune de Bohicon, déjà informée de cette situation, a effectué le déplacement sur la brigade pour avoir des informations. Mon intervention, à cette occasion, n’a fait que rappeler les faits portés à ma connaissance par les éléments en charge de la sécurité et le constat que nous avons fait sur les lieux.
J’ai également appelé les populations, déjà sous le choc des évènements malheureux de la veille, au calme et que la justice va faire son travail étant entendu que notre pays est un Etat de droit et que nul ne saurait se rendre justice.
Cette déclaration a été faite dans le but de l’apaisement général de nos populations, y compris les fidèles de l’église de Banamè, et n’est nullement dirigée contre ces derniers comme le soutiennent les requérants car, nous disposons déjà à ce moment des informations concordantes suivant lesquelles d’autres groupes opposés s’organisent pour aller détruire et saccager les lieux de culte de cette église dans Abomey et Bohicon » ;
Analyse du recours
Considérant que les requérants demandent à la Cour de déclarer que les traitements dont ont été victimes les fidèles de la « Très sainte Eglise de Jésus-Christ de la mission de Banamè » les 8 et 9 janvier 2017 à la brigade de Gendarmerie de Sodohomey constituent, d’une part, des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 18 alinéa 1er de la Constitution, d’autre part, une violation de la présomption d’innocence, de la liberté de conscience et de religion, de la liberté d’aller et venir, de cortège et de manifestation, garantie respectivement par les articles 17, 23 et 25 de la Constitution ;
Considérant qu’aux termes des dispositions des articles 17, 23 et 25 de la Constitution : «Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public durant lequel toutes les garanties nécessaires à sa libre défense lui auront été assurées » ; « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion et d’expression dans le respect de l’ordre public établi par les lois et les règlements. L’exercice du culte et l’expression des croyances s’effectuent dans le respect de la laïcité de l’Etat » ; « L’Etat reconnaît et garantit, dans les conditions fixées par la loi, la liberté d’aller et venir, la liberté d’association, de réunion, de cortège et de manifestation » ;
Considérant que l’analyse des faits, tels qu’ils ont été rapportés par les requérants, ne laisse apparaître aucune entrave à la liberté de religion et de culte ni à l’exercice par eux de leur culte ; que les incidents relevés se sont produits après la tenue de la réunion ; que l’on ne saurait, dans ces conditions, soutenir valablement que la liberté de conscience et de religion, la liberté d’aller et venir, de cortège et de manifestation ont été violées ; qu’au demeurant, les requérants citent ces dispositions sans indiquer en quoi elles ont été violées ; qu’en conséquence, il y a lieu pour la Cour de dire et juger qu’il n’y a pas violation de la Constitution ;
Considérant que selon l’article 18 alinéa 1er de la Constitution : « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des sévices ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » ;
Considérant que dans leur réponse à la mesure d’instruction de la Cour, le commandant adjoint de la brigade des recherches de Bohicon, l’adjudant Eloi Vignikin, a déclaré qu’« au cours de leur séjour en garde à vue, les personnes appréhendées n’ont pas été en contact des objets de sûreté tels que les menottes » ; que le lieutenant Nouhoun Gado Boukary, commandant de la brigade des recherches de Bohicon, quant à lui, écrit : « Au moment de la conduite des personnes interpellées dans le hall et les chambres de sûreté de mon unité, aucune d’entre elles n’était porteuse d’entraves et de même, au cours de leur séjour en garde à vue, les personnes appréhendées n’ont pas été en contact des objets de sûreté tels que les menottes » ; que cependant, le préfet du département du Zou, Monsieur Firmin A. Kouton, déclare : « Nous avons vu plus d’une vingtaine de personnes avec des fusils et gourdins dans les locaux de la brigade territoriale de Bohicon déjà menottées et qui, dans leurs déclarations, ont dit qu’elles sont commises par les dignitaires de la ‘’Très sainte Eglise de Jésus-Christ de la Mission de Banamè’’ pour assurer la sécurité des lieux de culte situés à Bohicon … » ; qu’ il ressort par ailleurs des énonciations des certificats médicaux délivrés par le docteur Françoise Adandedjan le 12 janvier 2017 et produits à l’appui de la requête sous examen que toutes les personnes examinées ont déclaré, hormis trois d’entre elles qui affirment « avoir été victimes de violence corporelle quand elles quittaient le stade de Goho le 08/01/2017 aux environs de 10 heures », avoir été victimes « de violence corporelle au cours d’une interpellation à la brigade de Gendarmerie de Sodohomey (Bohicon) le 09/01/2017 aux environs de 20 heures.» ; qu’il a été constaté sur ces personnes l’existence de lésions, telles que, entres autres, une contusion des fesses, du dos, de la face postérieure des cuisses, de la cheville avec une plaie profonde de la plante du pied, une plaie linéaire du cuir chevelu, des hématomes recouvrant les deux fesses et/ou dans le dos, de multiples plaies dans le dos, au pavillon de l’oreille, aux bras, au menton ayant nécessité quatre (04) points de suture, de multiples plaies surmontées d’une érosion cutanée, des ecchymoses recouvrant toute la face des deux (2) fesses, etc. ; que le « retentissement fonctionnel est considérable, en particulier la position assise est impossible, les mouvements limités » chez plusieurs d’entre elles ; que les lésions ainsi relevées sont manifestement symptomatiques des sévices corporels qui leur ont été infligés lors de leur interpellation ; que dès lors, il y a lieu pour la Cour de dire et juger que les agents qui ont procédé à l’interpellation des vingt-six (26) fidèles de la « Très sainte Eglise de Jésus-Christ de la Mission de Banamè » dans l’après-midi du 09 janvier 2017 leur ont fait subir des traitements inhumains et dégradants et ont, de ce fait, violé l’article 18 alinéa 1er précité de la Constitution ;
Décide :
Article 1er : Les responsables de la Police, de la Gendarmerie et le Préfet du département du Zou n’ont pas violé les articles 17, 23 et 25 de la Constitution.
Article 2 : Les agents qui ont procédé à l’interpellation des vingt-six (26) fidèles de la « Très sainte Eglise de Jésus-Christ de la Mission de Banamè » dans l’après-midi du 09 janvier 2017 ont violé l’article 18 alinéa 1er de la Constitution.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Messieurs Roland A. J. Viatonou et Togla Joachim Assogba, représentant « La Très sainte Eglise de Jésus-Christ de la Mission de Banamè », à Monsieur le Capitaine commandant l’escadron de Gendarmerie mobile, Maurice Woli, à Monsieur le Commandant de la brigade des recherches de Bohicon, le Lieutenant Nouhoun Gado Boukary, à Monsieur le Commandant adjoint de la brigade des recherches de Bohicon, l’adjudant Eloi Vignikin, à Monsieur le Préfet du département du Zou, Firmin A. Kouton, à Monsieur le Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique et publiée au Journal officiel.
Ont siégé à Cotonou, le quatre mai deux mille dix-sept,
Messieurs Théodore Holo Président
Zimé Yérima Kora-Yarou Vice-président
Simplice Comlan Dato Membre
Bernard Dossou Degboe Membre
Madame Marcelline-C. Gbèha Afouda Membre
Monsieur Akibou Ibrahim G. Membre
Madame Lamatou Nassirou Membre
Le Rapporteur,
Marcelline-C. Gbèha Afouda
Le Président,
Professeur Théodore Holo