L’armée du royaume du Danxomè s’est illustrée avec les amazones, élite militaire féminine créée par la reine Hanan. Mais les rois et chefs de guerre du royaume avaient aussi eu le génie de créer des abris souterrains, pour échapper aux envahisseurs, mais aussi pour les surprendre à leur passage. Ces dispositifs sont restés, plusieurs siècles durant, inconnus du public.
La découverte du village souterrain d’Agongointo est le fruit d’un pur hasard et non pas le résultat de recherches archéologiques.
Le site a été découvert, lors de la construction de la route Abomey-Bohicon-Kétou-Ilara (Aboki), par une société danoise lorsque l’un des bulldozers du chantier a décapé la partie supérieure de l’une des pièces. Les Danois ont constaté que cette pièce menait vers des chambres à coucher.
C’est ainsi qu’ont démarré des recherches pour mieux comprendre de quoi il s’agissait. Les Danois ont alors décidé d’entreprendre des recherches et ont envoyé au Bénin une équipe de chercheurs qui a travaillé avec des archéologues de l’Université d’Abomey-
Calavi dans le cadre de la mission Bénino-danoise d’archéologie (Bédarch).
Il s’est avéré que ces abris souterrains étaient utilisés par les guerriers d’Abomey pour se cacher lorsqu’il y avait des menaces d’invasion de l’ennemi.
Le village souterrain d’Agongointo, ce sont plus de mille six cents (1600) abris souterrains creusés par des hommes et appelés en langue locale fon « Ahouando », ce qui veut dire en langue locale fon : « Ahouan founto sin do », c’est-à-dire l’abri souterrain du guerrier.
Selon Armiyaou Soglo, guide touristique du village souterrain, ces abris étaient utilisés par les guerriers du Danxomè qui, ne disposant pas de l’armement nécessaire pour affronter l’envahisseur, se cachaient pour le laisser passer avant de le surprendre.
Il explique que la vie dans ces abris est très bien pensée. Les entrées sont de petits trous circulaires d’un mètre de diamètre dissimulés dans une grande végétation. Pour empêcher l’entrée des animaux, les occupants plantaient, tout autour des entrées, des plantes répulsives et épineuses. Ce dispoositif est également une stratégie pour obliger l’envahisseur à contourner l’abri. Il n’y a pas d’escalier, mais des emmarchements.
Et comme il n’y avait pas de trous d’aération en dehors des entrées couvertes par la végétation, le phénomène de la photosynthèse leur permettait de tenir. Les occupants ne prenaient pas le risque d’y faire du feu au risque de se faire repérer. Leur alimentation est faite de céréales grillées dans les villages alentours pour alléger le poids et surtout pour une meilleure conservation.
Ingéniosité
Les recherches ont permis de savoir qu’il n’y avait pas de vie continue dans ces abris qui n’étaient d’ailleurs utilisés que lors des menaces majeures. Auquel cas, le roi sonne la mobilisation des guerriers qui vivent habillement dans les villages.
La profondeur des abris varie entre 3,50 mètres et 7,50 mètres. Construits selon certaines techniques spécifiques, ces abris n’étaient pas faciles d’accès. Au départ, on utilise des encoches et au-delà de deux mètres, vous vous laissez tomber et cela permet de lancer l’alerte. Ceux qui sont à l’intérieur se rendent compte de l’arrivée de nouvelles personnes. Si vous y accédez par hasard, on vous tue pour ne pas vous laisser le temps d’aller raconter votre aventure. A l’intérieur, des garde-manger sont creusés sur les parois et de petites poteries contenant des mèches de coton servaient de lampes.
« L’ouvrage est la preuve de l’ingéniosité et des capacités constructives de l’homme africain depuis des siècles. Pour construire ces abris, les concepteurs ont tenu compte de certaines techniques, notamment dans le domaine de la géologie, qui leur permettaient de maîtriser des sols durs et compacts, composés de fer et d’argile, donc de l’argile ferralitique. Il faut aussi maîtriser la géométrie, car l’entrée des abris est sous forme circulaire et l’intérieur est séparé en compartiments», nous renseigne Armiyaou Soglo.
La troisième technique qui a été maîtrisée est la répartition des charges. Ils ont adopté une forme de voûte et au lieu que les charges atteignent les assises, elles sont réparties. Les maisons sont sans fer ni ciment. Pourtant, elles ont résisté aux intempéries et usures pendant des siècles.
Aussi, un soin particulier est-il mis pour l’insonorisation, de sorte que les conversations de l’intérieur ne parvenaient pas dehors. L’hydraulique a été également maîtrisée, puisqu’il y a de l’eau dans les chambres secondaires. L’eau de ruissèlement est conduite par des palettes pour aller dans les compartiments pour permettre d’avoir de l’eau de consommation comportant un ajout de fer. Comme il n’y avait pas d’électricité au XVIe siècle, les abris sont construits de façon à recevoir la lumière du soleil.
Le site est transformé aujourd’hui en un musée qui allie histoire et culte vaudou. Il abrite également un jardin botanique qui renseigne beaucoup sur la préservation de l’environnement et des espèces et plantes de toutes sortes.
Ce site est resté un lieu du culte vaudou. On y trouve plusieurs autels utilisés comme celui du « Dan » (divinité de la prospérité) concrétisé par un arbre. On trouve un temple Tohossou où certaines familles viennent périodiquement y accomplir des rituels. Il y a une salle d’exposition qui fait la synthèse de ce qui a été retrouvé lors des fouilles effectuées par l’équipe d’archéologues.
Le village souterrain d’Agongointo grâce à ses contenus riches d’histoire, de culture, et de croyances est aujourd’hui un important site de tourisme ?
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Pintos GNANGNON