Familier aux crises spasmodiques, la Renaissance du Bénin n’a jamais su pourtant trouver de vraies réponses aux questions existentielles, vraies, auxquelles le parti a été confronté de tout temps.
Aux grands maux, les grands remèdes. A condition que, à propos de remèdes, ils s’évèrent appropriés. A la Renaissance du Bénin, le mal a nom : problème de leadership ou si l’on préfère, guerre d’égo. Mais l’un mis dans l’autre et en définitive, le mal récurrent s’appelle ‘’démocratie’’. Et il faut le gérer comme tel.
Souvenir, souvenir, la crise la plus rétentissante connue par la RB, a pris corps suite au refus de la présidente, Rosine Vieyra Soglo, de concéder au vice-président du parti, Nathanaël Bah de créer un groupe parlementaire pour jouir des avantages y attachés. Le parti avait alors suffisamment de députés, tant que la création d’un groupe supplémentaire à celui dirigé par madame Soglo ne fragilisait en rien. Mais pour avoir opposé une fin de non recevoir à cette perspective, cette dernière a subi une fronde telle qu’elle a marqué le microcosme politique béninois. Quelle bataille ce fut ! On en parlera longtemps encore comme de la bataille d’Atchoukpa ou de la Grande guerre ! L’expérience fut périlleuse, sans que leçon en soit tirée, puisque d’autres crises ont suivi.
Démocrates du dimanche !
Et comme on ne vit pas de l’expérience des autres, dit-on, y compris de sa mère, Léhady Soglo est confronté aujourd’hui à la même problématique, car la majorité des membres, en tout cas les plus importants, du bureau politique de la RB, contestent son leadership, ses choix et orientations et l’accusent de mettre de ce fait le parti en péril. En démocratie, une telle action a un nom : vote de défiance. Peu importe ici que les contradicteurs de Léhady Soglo soient de mauvaise foi ou non, ils ne sont pas moins des responsables de choix du parti, qui plus est de l’organe décisionnel, et ont réussi à mettre en minorité le président. En démocratie, c’est chose convenue, et peu importent les motivations, car l’on sait de toute façon que le chien noyé souffre forcément de rage. Ce pourquoi d’ailleurs on peut se montrer compréhensible, et c’est bien une maigre excuse, à la résistance qu’oppose Léhady Soglo à la fronde, car sur le principe (de l’esprit démocratique) il a bien tort. Dans les démocraties établies de qui nous nous inspirons pour forger notre modèle, fut-il tropicalisé, il ne viendra à l’esprit d’aucun chef de parti de s’accrocher ainsi si ses camarades le mettaient en défiance ou si la ligne qu’il incarne au sein du parti est contestée par les cadres. On l’a récemment vu encore en Italie avec Matteo Renzi ou en Grande-Bretagne avec James Cameron qui s’est effacé suite au Brexit qu’il ne souhaitait pas laissant place à Theresa May qui a, en définitive, remis en cause son poste de Premier ministre dernièrement à travers des législatives anticipées. Question de légitimité. Ainsi le veut la démocratie. Le mauvais exemple venu d’une grande démocratie est celui de François Fillon qui a lui aussi eu pourtant le chic de conforter sa candidature à la présidentielle, en dépit de ses démêlés judiciaires, par une réunion du politik buro et…un grand rassemblement populaire. Ebcorela voix du peuple…
Sur cette lancée, et si tel l’ont prévu les textes du parti, Léhady Soglo tient un bon bout en insistant sur le congrès prochain qui doit être celui de la clarification. Seulement que lui, s’il est bon démocrate, devrait déjà non pas crier haro sur le baudet mais se plier à la motion de défiance, quitte au congrès de l’adouber lui ou de conforter les dissidents. C’est une question de résolution qui passe ou ne pase pas, en démocratie digne du nom.
C’est ma chose !
Mais en lieu et place de l’esprit de légitimité démocratique qui doit prévaloir, on assiste bien pantois à la célébration de la démocratie tropicalisée, chose détestable dans l’absolu, car c’est ainsi qu’ailleurs ont émergé des avatars de la démocratie hellène, et c’est ainsi que Joseph Kabila s’accroche au pouvoir, qu’hier un Yaya Jammeh accepte puis conteste de façon ubuesque le verdict des urnes…Et dans le cas de la RB, c’est d’autant plus consternant que Nicéphore Soglo dont le charisme excède les frontières nationales, et de par les valeurs qu’il incarne, parle plutôt de « Habamè », ramenant une question structurelle et institutionnelle à la dimension de sa personne, si importante soit-elle !
Pour l’ex chef d’Etat en effet, la fronde se résumerait à un manque d’égard à sa personne, « autorité morale » ou plus exactement soutient-il, les dissidents qui ne seraient « rien » ont « regardé sa figure » comme on dit si bien au Bénin. Comme lui, la fondatrice du parti, oublie aussi qu’une crise, au sein d’une organisation, témoigne également de sa vitalité et se fend d’un dissonant « on ne renvoie pas un propriétaire de sa maison » allusion à peine voilée pour dire que Léhady Soglo est l’héritier de la RB, parti dont elle, sa mère (puisqu’on ne peut échapper à ce détail), est fondatrice ! C’est ma chose, allez créer votre parti ? C’est ce qu’en chœur soutiennent les Soglo. De telles réflexions descendent de leur piédestral des icones que sont Nicéphore et Rosine Soglo, qui ont su mener justement d’autres combats plus à leur gloire. Leur posture face à l’énième crise qui secoue la RB, est cependant loin de les mettre en relief ! Imagine-t-on le général De Gaulle tenir les mêmes propos que Nicéphore Soglo ? Certainement pas, et on a bien vu Marine Le Pen faire expulser son géniteur du Front national, parti fondé par ce dernier ! Encore que Ganiou Soglo, décidément frappé du « syndrome du cadet » lui, n’est plus en odeur de sainteté dans « sa maison » il y a fort longtemps!
Cela étant, il serait bien naïf d’occulter cette terrible réalité propre au système partisan béninois voire africain : les partis politiques, à l’instar des ONG, sont plus soumis au régime de formation des sociétés unipersonnelles qu’aux impondérables de la démocratie héllène ! D’où du reste le concept de démocratie tropicalisée ! Mais après tout, peut-être faudra-t-il donner quitus à Senghor qui soutient que la raison est héllène et l’émotion (le tropic ?) nègre ?
Quoi qu’il en soit, une fois encore, Léhady Soglo n’a eu d’autres réponses que la purge, l’exclusion, vieille recette Rbienne mais contre-productive, en raison de ce que le parti s’est fragilisé dans le temps en se vidant de son personnel politique, des cadres en l’occurrence. En somme, de mauvaises réponses aux vraies questions. Qui y gagne, à la bataille juridique, inéluctable qui va faire jour sous peu?
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Paul AMOUSSOU